CONFIDENCE D’UN PERE
Il est né le 17 septembre 1921 à Saint Bonnet le Châteaux. Il a perdu sa mère à l’âge de 10 ans. Issu d’une famille nombreuse, il a été élevé par son père
à la dure. Son père était un homme fort et par moment il maraudait. Un jour qu’il attrapait des grenouilles, les gardes chasses voulaient l’intercepter,
mais comme il connaissait bien les lieux, il les emmenait dans des marais aux sables mouvants, les gardes ne pouvant plus avancer, là il se gaussait d’eux
en partant tranquillement.
Il me racontait que quand il était gamin, il aimait faire des blagues avec ses copains à Saint Bonnet le Château avec le fameux coup du porte-monnaie attaché à un fil qui faisait courir les vieux cherchant à l’attraper. Dans le même état d’esprit, il retirait un pavé de la chaussée puis ayant préalablement introduit dans un fil métallique, récupéré dans un vieux sommier, une pièce de un sou (pièce percée en son centre). Il coinçait le tout avec le pavé de telle manière que la pièce restait seule à la surface de la chaussée. Là, encore, les passants s’écorchaient les ongles pour tenter de récupérer cette pièce. Comme il était un peu casse-cou, pour gagner quelques sous, il faisait des paris : par exemple se faire pendre par les cheveux. En une autre occasion, alors qu’il avait une jambe dans le plâtre, il fit le pari de descendre sur un vélo sans frein une descente vertigineuse à la sortie de la Chapelle en la Faye en direction de l’Etrabla. Il était commis (employé) chez son futur beau-père. Durant la période des amours ma mère sollicitait son aide pour attacher « Charmant » à sa mangeoire et ils profitaient de cette occasion pour se bécoter échanger quelques baisers. Nous savions peu de choses sur sa vie, il n’était pas très bavard, il se livrait peu. Et pourtant voici un sujet plus ou moins tabou qu’il aborda : la guerre. Il a été cuisinier sur un destroyer et il vécut là un événement qui le marqua à vie. Alors qu’avec ses camarades, ils s’apprêtaient à prendre leur repas sur le pont du bateau, il s’est rendu compte qu’ils avaient oublié le vin. Il descendit donc en cuisine pour chercher la boisson salvatrice et quand il remonta, il trouva tous ses camarades de cuisine morts, mitraillés. Faisant parti de la résistance, le 18 Août 1944 ils devaient intercepter l’armée allemande qui revenait de Usson en Forez en direction Estivareille. Un long convoi constitué de 700 à 800 hommes (composé de soldats SS, de soldats de la Wehrmacht, de soldats tatars, de soldats russes enrôlés dans l’armée allemande et de miliciens français) quitte le Puy. Les voies ferrées étant sabotées, le convoi emprunte les petites routes de crêtes et progresse lentement, les voitures étant lourdement chargées et les camions en mauvais état. Certaines pièces d’artillerie sont tractées par des chevaux. Les arrêts sont fréquents. La colonne poursuit son avancée, harcelée de tous côtés par les maquis omniprésents. Je suis allé sur place avec lui pour réaliser ce qu’il a vécu. Il me décrivit la situation, alors qu’ils étaient en embuscade sur le bord de la route de la D498 en hauteur dans les bois, à couvert. La légion étrangère allemande était en tête de convoi, à 9h30 les hostilités commencèrent, un tir de mortier explosa à une dizaine de mètres de lui. Le hasard fit qu’un de ses camarades et ami se trouvait là, juste dans l’axe de l’explosion, il mourut déchiqueté sur le coup et par cela même son corps protégea mon père. |
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